Une journée mémorable (!) et riche en photos.
La découverte de "l'hôtel sans nom", des déboires avec Tulsa, pas vraiment le temps de rêvasser où de me laisser surprendre par le paysage pour y planter le décor de mon roman.
L'hôtel où nous sommes descendus hier soir à Grove est encore pire à la lumière du jour. A notre habitude, nous ratons le petit déjeuner. Nous sommes autorisés à emporter quelques bricoles à manger, (rolls trop sucrés, muffin's gluants de conservateurs) gobelets de café et biberon de lait pour Gaston. Machine à café et réfrigérateur se trouvent dans le hall d'accueil, entre la porte de service qui donne sur les chambres et un salon aux couleurs passées et fauteuils défoncés. La femme qui extirpe du frigo un bidon de lait géant est hindoue, comme tout le personnel de l'hôtel, donc. On expédie notre petit déjeuner dans la chambre et remballons les valises. Annette et moi refusons de nous baigner dans la piscine dont l'eau verte et trouble ne nous dit rien qui vaille. Gaston et Pierre ont le courage de s'y risquer - il fait déjà très chaud. Plus tard, la voiture chargée, nous reprenons la direction de la 66 vers Afton.
Afton, comme beaucoup de villes ayant prospéré à l'époque dorée de la mother road est aujourd'hui en train de mourir, comme un poisson sorti du bocal, agonisante non loin de l'autoroute. Les maisons sont en ruine, les commerces fermés, pas le côté le plus joyeux de la 66. Je m'interroge sur ce que nous trouverions ici si nous revenions dans dix ans. Probablement une ville fantôme... A noter qu'à Afton, la route devient route 69 ! Et voilà un point très important pour l'intrigue du roman (voir le titre du tableau exposé à Jerome et qui plonge Desmond G. Blur dans le mystère le plus total). Et elle est en grande partie impraticable car le revêtement a presque un siècle et n'a pas été entretenu depuis 1937.
Annette mitraille et se délecte de ces modèles aux cuirasses lustrées...
Certaines voitures ont même fait la route de Chicago à Los Angeles. Une route au tracé improbable qui nous mène parfois en des lieux hors du temps, où rien ne vit, rien ne pousse. Là où l'on referme les doigts sur le volant, courbant le dos.
Ces splendeurs ont quelque chose d'héroïque et elles le savent bien, exhibant leurs écussons avec fierté.
A l'écart de la grande salle d'exposition, un hangar où il fait une chaleur atroce abrite les plus anciens modèles. Nous ne restons pas longtemps: des émanations d'essence et de peinture nous montent au nez, il faut vite ressortir. Le purgatoire des voitures?
Dans la partie boutique du musée, des reproductions de diner's en horloge de cuisine ou en lampe de chevet, des cartes postales anciennes, gadgets à l'effigie de la route, soda route 66...
Nous avons repris la route. Dehors, 92° F font chauffer l'asphalte. A l'intérieur de la voiture, nous sommes tous les quatre ramollis. Comment les gens ont-ils fait pour suivre cette route pendant des années sans climatisation? Cela nous semble impossible. Nous sommes aussi fatigués de faire et défaire chaque jour les valises, de ne pas prendre le temps de se poser, de rater les horaires des repas car dans l'incapacité de prévoir les distances et la durée des étapes, de nous caler sur le rythme américain - ce qui sera le cas jusqu'à la toute fin du voyage. (Notre guide d'indique aucune distance d'une ville à une autre, cela peut varier de 3 à 50 miles!).
La compilation de country (que Gaston nous réclame en disant "maman, tu peux mettre la musique de cow-boy mais au début quand papa y fait le clown?" ce qui vaut bien un message codé de la CIA) tourne en boucle dans le lecteur CD, nous rejoignons l'autoroute, sur les conseils du guide Petit Futé qui nous dit de ne pas rater le plus grand Mac Do du monde. (en voici la photo trouvée sur le net)
Installé sur une arche qui enjambe l'interstate 44 à Vinita, le fast-food ne vaut plus grand chose. Clim' défaillante, clientèle d'éclopées (un car de touristes handicapés?), brouhaha effrayant, l'hôtesse de caisse ne comprend rien à ce que je lui dis, je dois presque hurler ma commande. Gaston sentant notre agacement (je déteste manger Mc Do, ça me donne mal au ventre, Pierre n'a pas faim), il commence à courir partout, et nous passons notre pause déjeuner à le suivre dans la boutique minable de gadgets tous plus nases les uns que les autres. Je maudis alors ce voyage et ses étapes à la con pour touristes gogos. Annette, elle, est un peu déçue (elle est fan de Mc Do) .
Les choses vont empirer et bientôt tourner au cauchemar.
Pris d'une envie frénétique d'avancer, nous hésitons entre faire du tourisme (il est déjà 15h) et arriver tard à l'hôtel, ou bien rouler vite pour plonger dans la piscine du motel Best Western repéré à Tulsa sur le catalogue. Pierre, adepte de la première solution va donc louvoyer entre "on roule" et "et puis non c'est trop con on visite", ce qui va énerver tout le monde et ralentir le rythme, alors que le thermomètre dépasse les 110° F et que la route 66 (pardon, 69) joue à cache cache avec le GPS, lequel a les plus grandes difficultés du monde à la suivre. J'ai la hantise de la déconvenue de la veille et crains encore une galère d'hôtel, aussi, j'aimerais que nous soyons à Tulsa avant 17h. J'insiste donc, et concède un arrêt à la baleine bleue de Catoosa, incontournable point d'intérêt de la route 66 que je n'ai pas non plus envie de rater. (Il en sera question dans le roman).
Pris d'une envie frénétique d'avancer, nous hésitons entre faire du tourisme (il est déjà 15h) et arriver tard à l'hôtel, ou bien rouler vite pour plonger dans la piscine du motel Best Western repéré à Tulsa sur le catalogue. Pierre, adepte de la première solution va donc louvoyer entre "on roule" et "et puis non c'est trop con on visite", ce qui va énerver tout le monde et ralentir le rythme, alors que le thermomètre dépasse les 110° F et que la route 66 (pardon, 69) joue à cache cache avec le GPS, lequel a les plus grandes difficultés du monde à la suivre. J'ai la hantise de la déconvenue de la veille et crains encore une galère d'hôtel, aussi, j'aimerais que nous soyons à Tulsa avant 17h. J'insiste donc, et concède un arrêt à la baleine bleue de Catoosa, incontournable point d'intérêt de la route 66 que je n'ai pas non plus envie de rater. (Il en sera question dans le roman).
Construite dans les années 70 par un mari amoureux de sa femme laquelle a une passion pour les gros cétacés, elle fut un temps une sorte de base nautique où les enfants s'ébattaient. Fermée à la fin des années 80, elle est tombée en désuétude et il faudrait bien du courage pour plonger dans l'eau saumâtre du bassin.
Annette, grognon (son petit frère l'insulte et lui jette des objets à la figure depuis une heure) prend deux photos du bout des doigts et retourne à sa DS à l'arrière de la voiture. Gaston grimpe dans la baleine et s'amuse un peu avec son papa. Il lui manque de courir et de nager. Imposer un tel voyage à un enfant de quatre ans est totalement stupide. On se dit toujours que l'enfant y trouvera son compte, certes. Mais il trouve surtout beaucoup de frustration (à son âge, Gaston n'a qu'une envie, jouer). Forcément, dans la voiture (une fois qu'on a réussi à attraper Gaston et à l'y fourrer), les choses tournent vite au pugilat. D'autant que chaque sortie hors du véhicule équivaut à ouvrir la porte d'un four tant la chaleur est écrasante.
Nous filons donc vers l'hôtel à Tulsa.
Là, le GPS va d'abord nous sauver, puis nous plonger dans l'enfer.
J'explique.
Tulsa est avant tout une ville d'autoroutes, et d'autoroutes en travaux.
Donc, une ville de merde, le pire qui puisse vous arriver sur la route 66.
Sans le GPS, nous n'aurions jamais trouvé le motel dont l'accès par l'interstate est coupé. Un long détour dans un dédale de routes nous conduit finalement devant... ce qui n'est plus un Best Western! Au milieu de la poussière des travaux, à flanc de bretelle d'autoroute, encore un hôtel "sans nom" se dresse sous un soleil de plomb et dans un fracas de bruits de camions, son parking vide de client. Sans doute déclassé très récemment par Best Western (à cause des travaux?) mais toujours présent sur leur catalogue.
Nous échouons dans le hall d'accueil devant une réceptionniste de 70 ans qui veut à tous prix nous donner une chambe. Je demande à visiter d'abord. En ouvrant la porte de la chambre (elle donne sur une piscine rectangulaire style années 70 en plein soleil) je suis saisie à la gorge par l'odeur de poussière et de vieille couverture. La pièce semble ne pas avoir été aérée depuis des années. Gaston, lui, rêve déjà de barboter dans la piscine. Annette qui souffre d'asthme comprend à regrets que nous ne dormirons pas là ce soir et qu'une galère de recherche d'hôtel se profile. Pierre, lui, pense que nous pourrions prendre la chambre, pas s'emmerder, que ça ne sent pas tant que ça la poussière et qu'on entend à peine le bruit des travaux. Mon mari est l'optimisme incarné. Il pourrait dormir dans une poubelle. Il oublie qu'il a une femme et une princesse avec lui. Gaston proteste quand on le remet dans la voiture. L'ambiance est mauvaise. Autant le dire clairement, tout le monde fait la gueule. Je lance:
- On va à Oklahoma City. Partons d'ici, c'est l'enfer!
Cette fois, j'appelle le motel repéré sur la catalogue de Best Western pour être certaine que nous ayons une chambre à l'arrivée... et que l'hôtel existe toujours.
Mais le pire est à venir.
Le GPS ne parvient pas à nous sortir du dédale d'autoroutes. Il nous ramène sans cesse sur le tronçon en travaux et donc, à notre point de départ. Nous sommes pris au piège. La tension est à son comble. Pierre, pragmatique, débranche le GPS (arrache presque le fil, devient grossier avec le matériel) et se dit qu'il trouvera bien la route tout seul.
Le GPS ne parvient pas à nous sortir du dédale d'autoroutes. Il nous ramène sans cesse sur le tronçon en travaux et donc, à notre point de départ. Nous sommes pris au piège. La tension est à son comble. Pierre, pragmatique, débranche le GPS (arrache presque le fil, devient grossier avec le matériel) et se dit qu'il trouvera bien la route tout seul.
Et là, un immense doute me submerge, je n'ai pas oublié la mésaventure de Villa Park à Chicago le jour de notre arrivée, où nous avons tourné 1 H 30 avant de trouver notre motel car nous n'avions pas de GPS. Gaston doit avoir le même pressentiment car il hurle soudain qu'il ne veut pas retourner à vilain parc et se met même à pleurer, pour la première fois depuis le voyage. Mon fils fait une crise de nerf. Je demande à son papa d'arrêter la voiture et monte à l'arrière pour réconforter Gaston. Je n'en mène pas large non plus, je suis au bord des larmes. Annette qui a pris place sur le siège avant essaye de garder contenance. Pierre file toujours tout droit, s'éloignant de l'autoroute, ce qui me semble être une mauvaise idée car nous ignorons la direction prise et l'endroit où nous sommes, si nous sommes encore à Tulsa ou non. Finalement, un autre tronçon d'autoroute apparaît à l'horizon. Nous nous engouffrons sur l'interstate sans un mot et filons droit jusqu'à Oklahoma City. Pierre nous a finalement remis sur le bon chemin. Il n'en revient pas lui même. C'est l'homme miracle.
Tant pis pour le tourisme. La route 66-69 aura eu raison de nous aujourd'hui.
Filer droit sur Oklahoma City était le bon choix. Nous arrivons un peu avant 18h. Sans faire exprès, j'ai choisi le plus charmant des Best Western (il y en a 6 ou 8 à Oklahoma City) : le Saddleback Inn, avec bar, piscine et resto. La fin du cauchemar. C'est décidé: pour nous remettre de nos émotions, nous décidons de rester là deux jours. La chambre est fraîche, les enfants retrouvent le sourire. Nous filons tous à la piscine.
(Photo extraite du site de l'hôtel)
Nous décidons pour une fois d'aller dîner en centre ville, histoire de visiter un peu Oklahoma City (très bonne idée de Pierre). Dans le quartier de Bricktown, il trouve une place de parking sans trop de difficulté (encore un miracle). En dépit de l'heure tardive (les garçons sont restés longtemps à la piscine), le resto italien que nous avons repéré nous accueille chaleureusement. Très bons plats, service agréable, déco étonnante qu'Annette photographie à n'en plus finir, nous passons un super moment. Ils servent même du Lambrusco!
En sortant du restaurant, vers 23H, nous sommes étonnés de voir du monde dans les rues. Jusqu'à présent, nous étions toujours les seuls à rouler dans les villes où nous faisions étape, Chicago excepté. beaucoup de jeunes. Des jeunes filles en goguette, sortent de bars branchés dans leur petites robes ras des fesses et hauts talons, les cheveux lissés à la dernière mode. Sacré contraste avec la populations obèse que nous croisons partout depuis Chicago, habillée de tee-shirt informe, jogging et nus-pieds. Ici, tout l'Oklahoma s'encanaille, on vient se marier en limousine dans la quartier de Bricktown, c'est un peu le Las Vegas du pauvre.
Avant de rentrer, nous nous offrons (c'est plutôt cher) une balade en Water Taxi sur le canal qui traverse le quartier d'anciens commerces et entrepôts. Il fait toujours très chaud mais un petit vent vient nous caresser, c'est bien agréable de se retrouver un peu hors de la route. Le type qui conduit le water taxi est saoulant avec ses commentaires et ses blagues à deux balles (qui font rires de gros Américains installés à l'avant de la barge) mais après l'épreuve de Tulsa et la crise de nerf du petit, c'est une péripétie.
Gaston est fasciné par la balade sur l'eau, il est très sage. Annette prend beaucoup de photos depuis le taxi-barge, mais la lumière est faible et peu sont exploitables. Mais cela donne bien l'ambiance douce et tranquille de cette fin de soirée. Un peu sombre pour le blog, nous nous en excusons.
Comme je vous envie ! Et pas d'angoisse les enfants oublient toujours les mauvais souvenirs de voyage, ils ne se rappelle que des trucs chouettes ! Les miens se sont farcie des 12 h de voitures en Turquie et au Maroc et ils n'en n'ont aucun souvenir pourtant ce n'etait pas toujours facile !!
RépondreSupprimerBonne poursuite !!
Bylo to pěkné, vzrušující a ponuré čtení. Díky za to i za tento odkaz.
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