C'est un long trajet en voiture au milieu des montagnes et plaines désertiques du Nouveau-Mexique qui nous attend.
Nous quittons Albuquerque par la Central Avenue South puis la 4th Street qui suit le vieux tracé de la 66 au sud de L'I-40. Un des tronçons les plus habités de la route : plutôt que de serpenter parmi les champ ou de longer l'autoroute, elle passe par de petites villes de banlieue, typiques du secteur (Armijo, Parajito, Isleta, Paralta, Los Lunas).
Caprices du tracé de la route, nous franchissons plusieurs fois le Rio Grande (ou l'un de ses canaux) avec à chaque fois, une pensée pour John Ford et John Wayne... Même les restaurants cheap rendent hommage à ce fleuve, frontière naturelle de près de 2 000 km avec le Mexique où il devient Rio Bravo, et qui prend sa source dans les rocheuses du Colorado.
A 14 heures, nous faisons une halte repas dans un Sonic Drive-In qui nous laisse, étonnement un excellent souvenir : le ciel est magnifiquement bleu, nous avons tous bien dormi, la nourriture proposée par ce fast-food est de très bonne qualité (ça fait parti des petites miracles de ce pays. Impensable en France: tu tombes par hasard dans un Quick d'une banlieue pourrie, tu vomis deux heures après). Mais ce qui nous marque, surtout, c'est le berlingot de lait que renverse Gaston sur la table et qu'un serveur vient nettoyer avec un GRAND sourire, rapportant un autre lait au fiston, puis, l'accident de voiture qui se passe à trois mètres de nous sur le parking (deux voitures qui se percutent de front sur la route parallèle au drive, on la voit très bien sur la street view).
Nous reprenons la route qui est, ici, très bien signalée sur ce parcours.
De vieux cafés encore en fonctionnement affichent fièrement la référence à la mother road.
Progressivement, nous quittons la civilisation pour nous engouffrer dans le désert après Los Lunas en bifurquant sur la gauche, en direction de New Laguna.
Soudain, alors que nous sommes seuls sur l'asphalte brûlante, un rapace qui volait tranquillement dans le ciel pique dans notre direction et s'abat sur le bas-côté de la route : dans son bec, un minuscule mulot, lui, n'a rien vu venir. Nous arrêtons la voiture, Annette immortalise la scène.
Plus loin, à un croisement en plein désert, ce bar m'inspire terriblement: The Wild Horse Mesa Bar a un côté Bagdad Café à l'abandon (il est effectivement désaffecté, jetez un oeil à la street view en cliquant sur le lien). Je me dis que c'est un endroit fabuleux pour un situer une scène de crime. Finalement, je ne m'en servirai pas dans le roman, mais qui sait si je n'y reviendrai pas un jour et si, par le climat qui se dégage du lieu, il ne m'a pas inspiré certaines pages du livre...
A l'Ouest d'Albuquerque, ce sont les réserves indiennes.
Nous reprenons la 66 à Mesita. La route se plaît à nous dérouler un collier de collines perlées de virages en dénivelés, la roche rougie sous le soleil.
Laguna et Pajare sont deux villages indiens : les habitats sont construits sur des plateaux arides mais ils sont interdits aux touristes; tant mieux. Le village de Pajare remonterait au XI siècle, d'après le guide. Je préfère penser que son authenticité est préservée d'un peuple en short, Nike et casquette, l'appareil photo en bandoulière.
Après l'aigle, une vache vient paître exactement sous nos yeux, près d'un grillage en barbelés qui l'empêche de traverser la route. Elle se régale des feuilles d'une sorte de courge...
On rate la ville de Cubero et revenons sur nos pas (nous roulons sur la State Road 124) : est-ce vraiment le bon endroit? Cubero consiste en un commerce, Villa de Cubero faisant office de bar, d'épicerie, de bureau de poste et de station-service. Rien d'autre aux alentours, sinon à quelques miles de là, de l'autre côté de la route, un motel en ruine. Est-ce bien là qu'Hemingway aurait séjourné pour y écrire "Le vieil homme et la mer" ainsi que le prétend le guide? Difficile à dire: les photos n'intègre pas de système de géolocalisation et l'appareil d'Annette n'est pas réglé à la bonne date, donc, c'est une sacrée galère pour moi de devoir tout trier, d'essayer de remettre les images dans l'ordre de notre voyage.
Mais si tel est le cas, dommage que personne n'ait songé à entretenir le mythe. Hemingway a certainement eu très soif dans ce désert, et il s'est aussi senti très seul, à l'image du pêcheur dont l'histoire m'a été contée par ma mère chapitre par chapitre lorsque j'étais enfant, et qui a marqué à jamais ma mémoire... Le motel en ruine est aussi décharné que l'arrête du poisson rapporté au port par le vieil homme. Signe du destin? Ce lieu me plaît, le symbole aussi. Je voudrais m'y perdre à mon tour, écrire dans un de ces motels qui un jour s'écrouleront comme un château de cartes, un roman qui aurait la puissance d'une fable intemporelle.
Nous poursuivons notre route, admirons le ciel et la terre aride. Parfois, un commerce se dresse au milieu d'un bosquet, tel un oasis: ici, une galerie d'art!
... Ici, guère plus qu'un panneau souvenir...
Parfois, il semble qu'il y ait eu un peu d'argent pour aménager au détour de la route un Trading Post plus fringuant, avec enseigne pimpante et logo 66.
... Et puis, quand on s'y attend le moins, surgit une de ces publicités en trois dimensions digne de ces bûcherons et astronautes géants croisés sur la route.
Le temps file trop vite: il est déjà pas loin de 17 heures. Nous n'avons pas le temps de visiter Sky City, un village indien historique du genre piège à touriste où habitat d'origine et toilettes en préfabriqués cohabites - USA is not a country, USA is business. C'est un peu crétin parce que c'était la seul occasion de prendre des photos de ce village construit en adobe. Mais l'idée de devoir monter dans un minibus avec un guide collé à nos basques et d'être aussitôt traités comme des touristes basiques nous hérisse le poil.
A Grants, on est tous un peu fatigués par le trajet en voiture (on roule depuis midi, 5 heures presque non stop), personne n'a le courage (sauf moi?) de visiter la fameuse mine d'uranium - un autre splendide piège à touristes que je voulais absolument voir pour y coller une scène de crime. Grants fut le plus grand gisement d'uranium des Etats-Unis au milieu du XXème siècle. Mais ce ne sont pas des mineurs qui sont rassemblés dans la ville lorsque nous la traversons mais des bikers.
Des milliers de bikers.
Qu'à cela ne tienne: d'une mine, il en sera question dans le roman. Et celle-ci n'aurai rien d'une promenade pour touriste!
Dans le guide, un hôtel s'est imposé à moi et je prie pour que nous arrivions à temps et qu'il reste encore une chambre. Il flamboie dans le soleil couchant.
Bingo!
On nous propose le choix: chambre à 50$ dans le motel adjacent, chambre dans l'hôtel à 115$. On visite les deux: y a pas photo, on prend la chambre dans l'hôtel, même si on explose un peu notre budget étape.
chambre rétro, avec vieux carrelage et robinetterie idoine dans la salle de bains |
Le nom de l'acteur est en lettres dorées sur la porte |
L'endroit est très chouette, tout en bois vernis, digne d'un décor de western: Gaston est fasciné par le piano-mécanique dans l'entrée. Du balcon, la vue sur les collines pelées donne envie d'escapades.
J'ai trouvé un nouvel écrin pour une scène de crime de Black Coffee!
Le temps d'investir les lieux et pour les garçons de piquer une tête dans la piscine, et la nuit est là, avec la rigueur des horaires implacables des diner's: ceux recommandés par le guide ferment à 20H45 ou bien sont sans alcool, et Pierre n'a aucune envie de dîner au resto de l'hôtel (dont la carte est pourtant tellement originale: chaque plat porte aussi le nom d'un acteur!).
Nous finissons pas trouver un mexicain où tout est trop épicé pour moi - je me contente d'un steak haché, d'une bière que je bois à moitié. J'avale aussi 2 cachets de mélisse pour rester détendue. Annette fait quelques photos du resto et surprend mon reflet dans la vitre qui sépare la salle du sas d'entrée où Gaston a déniché un vieux jeux vidéo.
Sur le chemin du retour, elle fait aussi quelques belles images dans la nuit illuminée par les enseignes rougeoyantes des commerces.
A 00h15, la chambrée sombre dans le sommeil, bercée par le ronron d'un vieux climatiseur.
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